Francois Miguet
Stephane Cardinale – Corbis/Corbis via Getty Images
Arnaud Lagardère est né le 18 mars 1961 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il fait ses études au lycée Janson-de-Sailly, obtient un DEA d’économie à l’université Paris-Dauphine. Il est associé commandité et gérant de Lagardère SCA, P-DG de Hachette SA (Lagardère Media), président exécutif de Lagardère Sport & Entertainment, président du conseil de surveillance de Lagardère Travel Retail (la branche duty free) et de Lagardère Active (propriétaire, entre autres, d’Europe 1, du “JDD” et de “Paris Match”).
Fortuné, mais aussi très endetté
Ses virées dans la Valley
Chaque année, Arnaud Lagardère fait sa tournée américaine. “C’est très enrichissant, raconte-t-il. En son temps, mon père m’avait présenté Steve Jobs, et je connais Tim Cook. En juillet, je suis allé chez Facebook, Instagram, dans la Silicon Valley, ainsi qu’au siège d’Amazon, à Seattle.” Y a-t-il vu Jeff Bezos ? “Non, je ne l’ai jamais rencontré, mais je discute avec ses collaborateurs.” Arnaud Lagardère se rend “deux à trois mois par an aux Etats-Unis”. Cela paraît beaucoup aux yeux de certains de ses salariés français. “Mais c’est finalement peu quand on sait que nous y réalisons entre 25% et un tiers de notre chiffre d’affaires”, plaide-t-il. Son goût pour l’Oncle Sam remonte aux années 1970. “Après le divorce de mes parents, mon père m’a emmené avec lui à San Diego. Ce fut l’un des plus beaux voyages de ma vie.” Dans les années 1990, Jean-Luc Lagardère envoya son fils dans le Connecticut pour redresser l’éditeur d’encyclopédies Grolier. Ce grand fan de Coca et de cafés Starbucks a même eu la carte verte. “J’ai un temps pensé à prendre la nationalité américaine en plus de la française, mais je ne l’ai pas fait : j’ai choisi de revenir en France pour aider mon père, puis de reprendre l’entreprise.”
Un patron invisible… sauf sur Instagram
Le drôle de jeu de l’ami Denis
Sacré Denis Olivennes ! L’ancien P-DG de Lagardère Active, l’ex-branche média du groupe, a réussi la performance de vendre ses plus belles pépites (“Elle”, “Télé 7 Jours”…) au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, tout en se faisant embaucher par lui. Un potentiel conflit d’intérêts qui en a agacé plus d’un au siège de Lagardère. Mais pas le patron. “Denis est toujours mon ami, confie-t-il. L’histoire est en fait très simple : il a été contacté par Daniel Kretinsky quand nous avons voulu vendre nos radios en Europe de l’Est. Puis ce dernier s’est intéressé à nos magazines. Notamment parce qu’il veut se construire une image en France”. Olivennes, précise le gérant, est sorti des négociations dès que son embauche par Kretinsky a été évoquée.
Sponsor d’une vaste tribu
Collectionneur de villas
Le fantôme d’Europe 1
Une délicate succession
Au décès de “Jean-Luc”, comme l’appelle son fils, il y a seize ans, rien ou presque n’avait été prévu. Le dirigeant, disparu subitement à 75 ans, s’était contenté de rédiger deux lettres, ordonnant, d’une part, qu’Arnaud lui succède à la tête du groupe, et, d’autre part, que son épouse Elisabeth Pimenta Lucas appelée “Bethy”, conserve “son train de vie”. Un peu flou. Arnaud, 58 ans, a-t-il mieux prévu la suite ? “Oui, dévoile-t-il. Chaque année, j’en discute avec mon conseil de surveillance, mais cela reste entre nous.” Souhaite-t-il qu’un de ses enfants lui succède ? “Le groupe Lagardère est une commandite, pas une monarchie !, répond-il. Mes enfants sont encore jeunes, et, s’il devait m’arriver quelque chose dans les quinze jours, aucun ne serait en position de me succéder.”
De très chers mousquetaires
Thierry Funck-Brentano a 72 ans. Pierre Leroy, 71 ans. Ces deux cogérants, jadis proches de Jean-Luc, trônent encore au sommet du groupe, aux côtés d’Arnaud. Deux hommes complètent le comité exécutif : le porte-parole et ancien d’Havas, Ramzi Khiroun (48 ans). Et le directeur financier, Gérard Adsuar (56 ans). Ces cinq-là facturent, via la holding de tête Lagardère Capital & Management, de très gros montants. Soit l’an passé 21 millions euros, dont 16,9 millions de salaires, charges et provisions de retraites, et 3,1 millions de frais.
Des milliards envolés
Depuis 2003, selon le fonds Amber, le groupe a détruit 3,5 milliards d’euros en “charges de restructuration et dépréciations d’actifs”. Très tôt, Arnaud est sorti d’EADS en vendant ses actions environ 35 euros entre 2012 et 2013 (elles en valent aujourd’hui 120 !), pour se recentrer sur “quatre piliers” : les médias, le sport, l’édition et les boutiques de gares et d’aéroports (51% du chiffre d’affaires l’an passé). Les deux premiers piliers ont disparu. Reste l’édition, un univers à la rentabilité serrée mais sur lequel le groupe est bien positionné – “nous prévoyons de faire plusieurs acquisitions dans ce secteur, dont une majeure, dans les prochains mois, j’espère courant 2020”, annonce le patron -, et le travel retail, un marché porteur, mais dont Lagardère n’est que le troisième acteur.
Un poison nommé Amber
Rue de Presbourg, on en est persuadé : le mail d’un certain “Arnaud Lheritier” (un faux nom) envoyé le 25 avril 2018 à la presse française, intitulé “L’insoutenable impunité de Lagardère”, est signé Amber Capital. La note dénonçait sa mauvaise gestion. “Le message a été envoyé d’un cybercafé situé à 100 mètres du siège londonien d’Amber”, assure l’entourage du dirigeant. Le fonds activiste, troisième actionnaire avec 5,1% des titres, espère faire tomber le gérant en 2021, quand le conseil de surveillance devra se pencher sur le renouvellement de son mandat. Pour l’heure, l’héritier contrôle. Mais le Qatar, avec 13% du capital, est en position d’arbitre. Basculera-t-il du côté du fonds ? “Alors que l’indice SBF 120 a crû de 64% depuis dix ans, l’action Lagardère a chuté de 31 à 19,50 euros”, relève un proche d’Amber.
Le dossier ” bave de crapaud “
Sur son bureau de la rue de Presbourg, qui donne sur l’Arc de Triomphe, le cogérant Thierry Funck-Brentano a posé en évidence un dossier avec cette inscription : “Bave de crapaud”. Ce gardien du temple Lagardère, où il entré en 1968 (chez Matra), y recense “tous les mauvais articles”. “Quand on est à la fois dirigeant et propriétaire de son entreprise, on a beaucoup d’ennemis et de faux amis !”, assume Arnaud Lagardère.
“Je suis 100% d’accord avec vous”
Cette phrase, c’est sa botte imparable pour désamorcer les critiques. “J’ai été hyper étonné de l’entendre me dire cela après que je lui ai suggéré qu’il fallait tout changer dans son groupe !”, relate un ancien collaborateur. La conversation est restée sans suite.